Pour atteindre les sommets

27 Sep

 

 

Un témoignage bouleversant….

Témoignage d’une maman venu cet été passer ces vacances avec Handigîte65
Quand tu es parent d’un enfant handicapé, tu prends très vite l’habitude de gravir des montagnes. Les montagnes du quotidien compliqué, les montagnes de la recherche génétique, les montagnes de préjugés, les montagnes de chagrin et d’inquiétudes, des montagnes de montagnes en somme !
Les vraies montagnes, les Pyrénées, les Alpes, toussa toussa, tu les oublies assez vite. Parce que tu n’as plus de temps de penser aux vacances, parce que tu as les rééducations à maintenir ou intensifier justement pour que ton enfant ne perdent pas ses acquis, parce que, de toutes façons, tu n’as même plus un radis pour te payer une location de vacances (forcément, tu as préféré financer les rééducations, quelle idée !)
Bien sûr, tu rêves parfois d’aller te ressourcer dans les vraies montagnes, tu t’imagines avec tes 3 enfants tels Heidi, Belle ou Sébastien. Tu les voies courant dans les estives, riant dans les torrents glacés, sachant distinguer un gypaète barbu d’un vautour fauve ou même dévalant des pistes noires. Mais tu as tellement mal au dos que tu oublies vite l’idée, tu alignes tellement de kilomètres pour aller en rééducation que rejoindre les Pyrénées te fatigue par avance et tu compenses en feuilletant la dernière encyclopédie de la montagne avec tes enfants qui sauront quand même distinguer le gypaète du vautour (ou pas !). Bref, tu te résignes. Toi, tu es déjà spécialiste de la haute montagne de la vie. Chacun son terrain.
Et puis, un jour, tu découvres le projet fou d’un type que tu as déjà croisé sur la toile. Il ne le sait pas lui, mais à l’annonce du diagnostic de ton fils, en octobre 2012, tu as découvert qu’il avait entrepris de faire un tour du monde en train avec son fils à lui, Sacha. Handicapé lui aussi. Tu te souviens parfaitement du rebond qu’il t’a permis d’avoir, ce fameux soir où tu n’as pas pu éteindre l’ordinateur avant d’avoir fini de regarder la totalité des photos de leur voyage. Tu te souviens avoir eu peur (un peu), avoir pleuré (beaucoup) puis t’être dit à voix haute « ok, en fait, il n’y a une seule et unique solution : avancer. « 
5 ans plus tard donc, tu as avancé, tu as pris confiance, tu as déjà déplacé un paquet de montagnes, dégringolé quelques falaises impressionnantes (tu sais, le dossier MDPH bloqué durant des mois, l’AVS inexistante, l’épilepsie, les rééducations à payer sans aides, la tentative d’orientation forcée parce qu’il « n’existe que cette structure pour les enfants polyhandicapés madame », les médecins qui te rient au nez quand tu leur parle d’apprentissages cognitifs et de littératie…), tu t’es équipé et tu es presque devenu un spécialiste de la varappe de la vie. Tu as donc troqué les tongs du début pour de bonnes chaussures de montagne et quelques piolets, tu as gravi sans l’aide d’aucun médecin le pic des apprentissages cognitifs et ton fils, qui ne devait « jamais communiquer », sait te dire je t’aime avec ses pictos et même te signifier, à sa façon, qu’il a besoin de faire pipi !
Le type du tour du monde en train, il a avancé lui aussi. Il n’a pas encore tout à fait fini son tour du monde mais il projette avec sa douce et très naturellement, d’ouvrir un handi-gîte dans les Hautes Pyrénées. Et oui ! Un gîte pour recevoir des familles d’enfants handicapés. En haute montagne donc. Pour y faire des activités de montagne. Normal, quand tu gravis les montagnes de la vie, de vouloir le faire au sens propre du terme !
Et cette idée de handi-gîte pour les familles comme toi, comme beaucoup de tes amis d’ailleurs, elle fait un gros tilt dans ton cœur. Un gros tilt parce que tu sais, au fond de toi, que c’est exactement ce dont tu as besoin, là, maintenant, avec ta tribu ! Tu sais d’ailleurs que c’est ce dont beaucoup de familles ont besoin. Et que c’est finalement ce que tu as toujours visé, à ton échelle, depuis l’annonce de la « différence » de ton fils. Ne pas faire de différence justement. Heidi, Belle, Sébastien, c’est certain, s’ils avaient été handicapés, leurs familles auraient fait comme toi, comme Gwen, comme Franck et comme tant d’autres : elles ne les auraient jamais laissé sur le bord du chemin ! Elles leur auraient donner les moyens de gambader dans les montagnes, elles auraient inventé l’escargoline, dormi à la belle étoile à la Fruitière, gravi le pic des Tentes avec leur enfant non marcheur sur le dos.
Cet été, j’ai eu la chance de rencontrer Franck, le type du tour du monde en train, avec Gwen, sa douce, et leur jolie tribu. J’ai vécu les plus belles vacances de ma vie avec mes 3 enfants. Pendant une semaine, j’étais juste en vacances. Avec mes 3 enfants. Point. J’ai oublié que l’un d’eux était handicapé parce que Franck anticipait l’organisation et la logistique (et le jour où on a oublié la 3ème roue de la poussette, il l’a tiré, comme si c’était normal !), j’ai oublié le quotidien parce que Gwen gérait tout au gîte (les repas, les courses, le ménage, les lessives, et même les bières au frais), je n’ai pas eu besoin d’expliquer le handicap de mon fils parce que chaque partenaire d’activités était déjà briefé, j’ai partagé des moments extraordinaires avec chacun de mes fils, je les ai vu courir (ou aligner de tous petits pas prometteurs) dans les estives, j’ai ri avec eux dans les torrents glacés, ils ont appris à distinguer le gypaète barbu du vautour fauve, j’ai rechargé mes batteries pour les années à venir (parce que je ne me voile pas la face, je sais qu’il y aura encore de belles montées et de sacrées frayeurs dans les montagnes de la vie), je me suis laissée porter, j’ai senti la compréhension et la bienveillance autour de moi. Auprès de Gwen et Franck, dans les montagnes, pour la première fois depuis 6 ans, j’ai lâché prise. Vraiment. Totalement. J’ai laissé un morceau de mon cœur tout là-haut, auprès d’eux parce que j’ai trouvé un écho, une vision de la vie et du handicap belle, juste et tellement proche de la mienne. Cette vision qui nous rend heureux chaque jour et que l’on a simplement envie de partager.

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